Pour l'abolition des frais de scolarité: un choix de société
Alors que Pierre Duchesne a été nommé ministre de l'Éducation supérieure, le dossier du financement des universités n'est toujours pas réglé. La solution réside peut-être dans un
déplacement du centre de décision. C’est à dire remettre le pouvoir entre les
mains des étudiants en rendant l’université moins dépendante du financement
public. Pour y arriver, l’impôt postuniversitaire (IPU) semble être la
meilleure solution s’il est accompagné de mesures qui assureront une meilleure
gestion des universités. Plusieurs modèles ont été proposés, mais le but ultime
de cette mesure est de faire disparaître les frais de scolarité, réduire
l’endettement étudiant et proposer une alternative réaliste au financement des
universités. Le principe d’un impôt est simple, ce n’est pas une dette et il ne
peut être perçu que s’il y a un revenu (un minimum d’au moins 30 000$ a
été suggéré). On parle de 1 à 5% du revenu annuel du diplômé qui serait
consacré à cet impôt. Le savoir et l’éducation ne sont pas des biens, mais des
technologies et elles dépendent de ce qu’en fera l’étudiant. Ce système n’en
est pas un d’utilisateur-payeur, mais plutôt de bénéficiaire-payeur. Ce n’est
pas le savoir qui est taxé, mais ce qu’on en fait, le profit qu’on en tire.
Certains diront au ministre de l'Éducation supérieur qu'il serait plus juste que
cela soit toute la société qui paye plutôt que simplement le diplômé. C’est
tout à fait vrai. Mais comme on l’a remarqué, la question n’est pas tant
«est-ce que c’est vraiment plus juste» ou si cela sera «perçu comme étant plus
juste». Les électeurs n’aiment pas qu’on joue avec le régime fiscal. Encore là,
on me répondra qu’il est possible de rendre ce régime plus équitable. Pour
financer l’abolition des frais de scolarité, l’IRIS propose 10 paliers
d’imposition. Une brillante façon d’aller chercher plus d’un milliard tout en
réduisant le fardeau de 87% de la population. Si ce modèle réussi à amortir les
frais sur une classe plus aisée (au-dessus de 60 000$ par année) sans en
faire un trop grand fardeau pour elle, c’est au niveau de la perception de
justice qu’il laisse un étrange arrière-goût. On pourra lui reprocher 1) de
mettre le poids des nouvelles sommes sur seulement 13% de la population, ce qui
est en contradiction avec une éducation payée par tous; 2) avec un salaire
moyen de 50 000$ pour un diplômé universitaire, on remarquera facilement
que beaucoup d’entre eux ne feront pas partie du 13%.
D’autres diront que l’IPU est un outil du
néolibéralisme pour faire exploser les frais de scolarité. Faire accepter plus
facilement son augmentation, dira-t-on. La vérité est qu’aucun État, pas même
la Finlande, n’a réussi à contrôler les coûts de son système d’éducation.
Certains pays comme la Suède trouve de nouvelles sources de financement avec
les étudiants étrangers, d’autres comme la Finlande ferment les universités en
région éloignée. Dans les cas les plus désespérés, on notera la dette
astronomique de pays comme l’Italie ou le système à deux vitesses de la France.
Aucune solution n’est parfaite, mais l’IPU a l’avantage d’ouvrir les portes de
l’université à tous et de s’autofinancer à long terme. Il ne faut pas voir
l’IPU comme le remboursement d’une dette, mais plutôt comme un régime de
retraite où il y a un seuil à atteindre; une contribution à un fonds qui va réduire
l’endettement des futures générations.
Finalement, d’autres affirmeront que c’est
injuste de payer un impôt de plus que les autres contribuables. Joe le plombier
va payer moins qu’un prof parce qu’il n’a pas fait d’études universitaires.
Est-ce que c’est juste? Mais juste par rapport à quoi? Juste par rapport au gel
des frais de scolarité où un étudiant paye déjà 9 000$ de plus qu’un
plombier? Il y a déjà une part étudiante, l’enjeu n’est pas là. Il faut plutôt
se demander où devons-nous placer cette part? Au début des études pour endetter
notre jeunesse ? Pendant les études pour les faire travailler plus de 30 heures
par semaine en plus des cours? ou après pour enrichir socialement et
économiquement notre collectivité?
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