103 Millions




Le 26 mars dernier, le gouvernement annonçait de nouvelles coupes de 103M$ dans le budget des universités. Pour plusieurs doctorants, ce montant est symbolique. M. François Blais, le ministre et non pas l’auteur de La Classe de madame Valérie, a sans doute la mémoire courte, mais nous n’oublierons jamais d’avoir été les laissés pour compte de 2005, où nous avons dû accepter d’augmenter notre plafond d’endettement, même si nous avions récupéré, justement, 103M$.
Il y a à peine trois ans, ce même gouvernement parlait d’un sous-financement du réseau  (estimé à 620M$) qu’il fallait absolument combler par une importante augmentation des frais de scolarité. Depuis, les libéraux semblent avoir choisi la voie contraire : plutôt que d’augmenter le financement, ils coupent. En 2015, nous voilà maintenant à plus de 300M$ de compressions en éducation postsecondaire. Bref, tout cela montre ce que nous savions déjà, que ce gouvernement cherchait un moyen de réduire sa participation dans les universités. Ce désengengement de l’État est d’autant plus risible que les étudiants subissent tout de même depuis 2012 une indexation des frais de scolarité. Alors que le gouvernement a demandé un effort de 2,6% de la part des étudiants, les libéraux se contente d’un maigre 0,2%.  
Bien sûr, il y a ce mot à la mode dans la bouche de la majorité des étudiants, pseudo-intellectuels et «professeurs» : austérité. Cette expression vague et floue ne renvoie à rien, si ce n’est à un ensemble de mesures dont l’impact inégal divise la population. S’il n’est pas question ici de contester l’importance de certains enjeux (trop) globalisants, il serait peut-être intéréssant de voir concrètement ce que certaines mesures impliquent au-delà des conditions de travail des enseignants. Tout d’abord, mettons en contexte les compressions énoncées plus tôt en éducation supérieure :
  • 70% des étudiants à la maîtrise et plus de 42% des étudiants au doctorat n’ont pas de bourses d’excellence ni de récompenses au mérite. À la maîtrise, ils sont 80,1% à ne pas recevoir du financement de leur directeur de recherche et 76,9% des étudiants au doctorat (Sources et modes, CNCS, 2006).
  • 43% des étudiants aux cycles supérieurs demandent un prêt au régime d’AFE (Rapport AFE, 2008-2009).
De plus, la plupart des étudiants vont avoir accumulé près de 19 138$ de dette après avoir complété un diplôme de doctorat. Un endettement qui, par exemple, dans 20% des cas pour les étudiants en littérature, va dépasser 24 000$. L’un des moyens pour réduire cet endettement est de financer une partie des études des doctorants à l’aide de bourses. Ces chiffres montrent bien que les doctorants n’ont aucun intérêt à prolonger leurs études.  
Mais voilà, quand nous entendons le ministre Blais s’adresser à nous, ces doctorants de plus ou moins trente ans, comme à des enfants, nous avons évidemment envie de lui obéir et de retourner en classe nous endetter. Le ministre a raison, nous devrions nous dépêcher de finir nos études pour enfin être utiles à la société. Or, quand nous savons qu’à la suite des dernières directives du MELS, on annonce qu’«à la Faculté des arts et des sciences de l’Université de Montréal, un plan de coupe dans les charges de cours vise la suppression graduelle de 250 cours sur deux ans et l’augmentation de la taille des groupes» (Le Devoir, 2015), que la plupart des cégeps devront comme en Abitibi-Témiscamingue couper près de 20 employés de soutien et suspendre l’embauche de nouveaux enseignants (NRJ, 2015), nous prenons conscience que cette obéissance aveugle envers le bon père Blais est sans avenue.
Selon le gouvernement, «étudier, c’est fondamental», un terme aussi vide de sens pour les libéraux que les expressions «liberté de réunion pacifique» et «liberté d’association». Bien sûr, le lecteur avisé aura remarqué que, dans les médias, l’argent et la brutalité policière éclipsent encore une fois des enjeux tels que la qualité de l’enseignement, l’évaluation des programmes, le développement d’une politique nationale de la recherche, le financement et la valorisation de la recherche fondamentale, l’investissement privé, etc., des questions cruciales qui auraient tout intérêt à être remises entre les mains d’un conseil d’experts regroupant les différentes institutions postsecondaires plutôt qu’entre celles de Frank B., le chef de quart de chez McDo.
En fait, peu importe la façon dont on conçoit l’éducation, que ça soit une technologie du «self», une enkrateia, ou un processus, une diététique de l’orthos logos, il n’en demeure pas moins que l’«effet libéral», en augmentant le fardeau de l’étudiant et en réduisant les ressources financières et institutionnelles, agit au détriment du rayonnement du savoir et des perspectives d’avenir des étudiants et de la société québecoise. Il est clair que nous ne pouvons plus laisser ce gouvernement faire la sourde oreille. Il est temps pour lui d’assumer sa «juste part» et pour nous de récupérer nos 103 millions.
  




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