FEUQ et ASSÉ : Virtus in media stat



Pierre Duchesne, ministre de l'Enseignement supérieur, a annoncé cette semaine, la tenue d’un sommet sur l’éducation supérieure en février 2013. Alors que le dossier du financement des universités n'est toujours pas réglé, on apprend que le gouvernement Marois a décidé de nier le sous-financement des universités. Un geste qui veut rappeler aux universités que le temps de l’impunité et de la mauvaise gestion est bel et bien terminé, mais qui se veut aussi une parade pour annoncer que l’État ne mettra pas un sou de plus dans nos institutions. Du côté de la FEUQ comme de l’ASSÉ, il faudra se méfier de ce discours et participer activement aux rencontres menant au sommet au risque de se voir imposer une vision ou un système où les étudiants n’auront pas un mot à dire.


Sur le financement des universités

Ici, avant de nier le sous-financement ou préférer le terme mal-financement, j'aimerais qu'on regarde de plus près ces dépenses moyennes de 29 242 $ par étudiant (Indicateurs MELS, 2010). La question que soulève cette étude, c’est que si le Québec dépense plus que les autres provinces, pourquoi a-t-il besoin de plus d’argent? En fait, ce n’est pas tout à fait le cas. En vérifiant les indicateurs du MELS, on remarque que la Colombie-Britannique dépense plus que le Québec, soit 32 976 $ et que ces chiffres ne sont pas pondérés en fonction des différences structurelles et du coût de la vie :

Parmi les autres différences structurelles, mentionnons les différences dans la composition des effectifs étudiants par cycle et domaine d’études dans les universités. Ainsi, le fait que les universités du Québec comptent une proportion plus élevée d’étudiants inscrits dans les secteurs disciplinaires plus coûteux et aux cycles d’études universitaires supérieurs explique, en partie, leur dépense par étudiant plus élevée (Indicateurs du MELS, 2011).

Ces coûts s’expliquent aussi par un rapport étudiant-professeur plus élevé au Québec. Il y a en moyenne 21,2 étudiants par enseignant au Québec pour 22,2 pour le Canada et 25, 2 pour l’Ontario. Sans oublier des salaires très avantageux par rapport à la moyenne canadienne. L’écart entre l’Ontario et le Québec s’explique aussi par le fait que les frais de scolarité élevés financent les bourses et réduisent la part de l’État. Est-ce le modèle que nous cherchons à suivre? Certains vont renchérir avec l’explosion des coûts de la recherche causés par son asservissement aux impératifs de l’industrie, mais encore une fois en y regardant de plus près, on remarque avant tout un changement plus de méthode comptable plutôt qu’un détournement de fonds de la part des entreprises :

Le montant des subventions et des contrats de recherche alloué aux universités a plus que doublé de 1996-1997 à 2006-2007, passant de 606,8 millions de dollars à 1,275 milliard. Deux progressions importantes sont à souligner. La première a débuté en 2001-2002 avec une augmentation de 16,4 % par rapport à l’année précédente. Une partie de cette augmentation s’explique par le paiement de frais indirects par le gouvernement fédéral et le recensement de ces subventions par le Système d’information sur la recherche universitaire (SIRU). La seconde a eu lieu en 2003-2004 avec une augmentation de 27,6 % par rapport à l’année précédente. Cette deuxième augmentation s’explique par l’inclusion dans le recensement du SIRU, des subventions accordées par la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) et ses partenaires, pour le financement des infrastructures de recherche des universités. Auparavant, seuls les subventions d’équipement et des fonds de relève étaient recensés (Indicateurs du MELS, 2010).

Ici, il va falloir qu’on m'explique comment ne pas augmenter le chiffre magique de 29 242$ sans toucher à l'échelle salariale des professeurs, contingenter certains programmes, augmenter la part du privé (le Québec étant déjà en dessous de la moyenne canadienne), réduire les fonds de recherche, etc. Je suis vraiment intrigué, parce que d'un côté (ASSÉ) on parle seulement d'augmenter ce chiffre à des fins de gratuité, et de l'autre, on propose des économies pas très convaincantes. De plus, les dépenses des universités sont souvent victimes d’un effet de sensationnalisme des médias qui comprennent rarement le système de financement des universités. Une fois remises en contexte (origine des subventions, récurrences des dépenses, budget de fonctionnement/immobilisation, confondre spéculation immobilière et déficit d’espace, etc.), celles-ci représentent de petites sommes par rapport aux besoins d’une université. Évidemment, il n’est pas question de nier la mauvaise gestion de certains conseils d’administration. Les fonds publics se doivent d’être le mieux gérés possible et chaque sou sauvé est un sou de moins pris dans la poche des étudiants et des contribuables.
Mais la question demeure, quels sont les besoins d’une université ? De grands principes ont été évoqués dans le printemps étudiant. Il y aurait-il moyen de les arrimer à une méthode de saine gestion ?

Assurance Qualité

Cette méthode ou ce moyen pourrait se réaliser sous la forme de l’Assurance Qualité (AQ). Cet outil permet à l’État de jouer son rôle de garant de la qualité en protégeant les étudiants et les contribuables contre la mauvaise gestion ou la fraude en promouvant l’amélioration de la qualité dans les départements et les établissements universitaires. Un avis a été commandé au Conseil Supérieur de l’éducation (CSE) et contrairement à ce que sous-entendent certains syndicats de professeurs et l’IRIS, il existe plusieurs autres formes que les visions apocalyptiques qu’ils décrivent. À ceux qui craignent que cela vienne empiéter sur la liberté académique, on rappellera :
(qu’) en règle générale, les acteurs universitaires sont parties prenantes des processus d’assurance qualité. Ils peuvent, dans certains cas, avoir eu l’initiative de la mise en place d’un mécanisme d’assurance qualité, avoir participé à l’élaboration de procédures, de principes ou de critères, siéger à l’instance à titre de membres ou participer, en tout ou en partie, à la nomination des membres» (L’assurance qualité à l’enseignement universitaire, CSE, 2012, p. 7).
Boycotter cette discussion mènerait éventuellement à une politique qui ne serait ni à l’avantage des étudiants, ni des professeurs, ni de l’État. L’IRIS y verrait ici un moyen détourné de calquer nos institutions sur les besoins de l’industrie ou du gouvernement. Ici, encore la plupart des auteurs cités dans l’étude du CSE recommandent fortement l’indépendance du comité responsable de l’AQ. La communauté universitaire (administration, étudiants et professeurs) aura tout à gagner, lors des discussions du sommet, à miser sur des éléments tels que :


  •    la reddition de comptes, qui permet « de veiller à ce que les établissements assument la responsabilité du service qu’ils offrent et des fonds publics qu’ils dépensent », de rassurer les étudiants sur la qualité de la formation promise et « de produire des renseignements publics dont les fournisseurs de fonds peuvent se servir pour guider leurs décisions sur l’allocation du financement » ;
  •    l’attribution des moyens, qui permet d’établir les besoins d’une institution afin d’atteindre les objectifs académiques établis par la communauté universitaire.
  •    le contrôle, qui permet « d’assurer l’intégrité du secteur de l’enseignement supérieur », d’en « protéger le statut, la position et la légitimité » ;
  •   l’amélioration, qui « vise davantage à encourager l’adaptation et le changement qu’à contraindre » (CES, p.10-11).

Bien sûr, tout cela est «modulable» et il y a d’autres éléments qui rentrent en ligne de compte. Il n’est pas question ici d’en faire un ISO9000 pour université. Chaque institution a sa particularité et des besoins spécifiques où la position privilégiée de sa communauté en fait un partenaire fondamental dans son évaluation.

Être représenté au sommet

Il est clair qu’il y a beaucoup à dire, mais la rue a fait son temps. Au même titre que les associations étudiantes invitent les étudiants qui s’opposent à la grève à venir en assemblée générale en discuter, il est temps pour le mouvement d’articuler clairement sa pensée dans un discours qui a plus de profondeur qu’un slogan sur une pancarte ou l’écho d’une casserole.
Jusqu’ici l’ASSÉ a adopté la même attitude «frondeuse» qu’on lui connaît depuis sa création, préférant jouer les trouble-fête plutôt de se risquer dans un réel débat d’idées. La position du gouvernement Marois (indexation au coût de la vie) lui offre encore une fois l’opportunité de dénoncer un simulacre de démocratie où tout est joué d’avance. Effectivement, tout est mis en place pour que Pierre Duchesne puisse imposer l’indexation, notamment en demandant d’avoir une année de plus de gel des frais de scolarité dans le budget…
La dissolution de la CLASSE a créé un vide entre les organisations de centre gauche et d’extrême gauche. Les associations étudiantes de l’UdeM ont réussi à faire de la CLASSE une organisation beaucoup plus sensée et intelligente que celle qui a fondé la coalition, ce qui a malheureusement eu comme effet de mieux défendre le beuglement de l’ASSÉ et de maintenir la FEUQ sur ses positions. Le manque d’audace des associations pour une solution innovante et originale aura tué tout espoir d’une vraie troisième voie. Mais peu importe les affiliations, il faut se rappeler que la gratuité n’est pas une fin en soi. Au lendemain d’une abolition des frais de scolarité, les questions concernant la qualité de l’enseignement supérieur, l’accessibilité, la gouvernance, et le financement des universités et de la recherche resteraient tout de même sans réponses. La rue n’est pas un argument, c’est une critique, une problématique à laquelle les étudiants ont une réponse pertinente. Il ne reste plus maintenant qu’à faire preuve de méthode et participer au sommet sur l’éducation supérieure.    

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