L'enseignement, l'enseignement, ce n’est pas une raison pour faire mal à la recherche...



 Le discours sur la recherche de la coalition large de l'ASSÉ (CLASSE) en mai dernier a de façon magistrale démontré son ignorance en la matière. Reprenant maladroitement un «argumentaire» tronqué de l'IRIS, on a du mal à comprendre pourquoi ni le Conseil national des cycles supérieurs (CNCS) ni les doctorants ou étudiants à la maîtrise membre de la CLASSE ne soient monté aux barricades pour défendre les bourses et salaires des étudiants chercheurs.

Qu’est-ce que le CNCS ?
Le Conseil national des cycles supérieurs de la Fédération étudiante universitaire du Québec (CNCS-FEUQ) regroupe toutes les associations composées d’étudiants des deuxième et troisième cycles universitaires (11 associations membres regroupant plus de 25 000 étudiants). Le CNCS-FEUQ traite de la recherche subventionnée, du statut des étudiants-chercheurs, de certains dossiers internes ainsi que de quelques questions à saveur sociale comme la conciliation études-famille et le celui de la santé et sécurité des étudiants universitaires.

Pourquoi a-t-on besoin d’un nouveau CNCS?

Parce que depuis 2005, alors que le 1e cycle a récupéré 103M$...
         70 % des étudiants de maîtrise et plus de 42 % des étudiants de doctorat n’ont pas de bourses d’excellence ni de récompenses au mérite. À la maîtrise, ils sont 80,1 % à ne pas recevoir du financement de leur directeur de recherche contre 76,9 % des étudiants au doctorat (Sources et modes, CNCS, 2006).
         43% des étudiants aux cycles supérieurs demandent un prêt au régime d’AFE (Rapport AFE, 2008-2009).
         Les étudiants à temps plein aux cycles supérieurs (les plus démunis) continuent à payer 3 251,70$ et s’endetter de 4 860 $ par année (2 420$ de plus que le premier cycle).
         Selon le dernier rapport de l’AFE, on parle d’un endettement moyen de 5 140 $ par année pour les cycles supérieurs (Rapport AFE, 2008-2009).

Représentativité

Le CNCS représente moins de 40% des cycles supérieurs au Québec (25 000/60 000.) Depuis 2005, la FEUQ a perdu deux importantes associations (ALIÉS et REDMUS -2007-) en plus de souffrir de la compétition du National Graduate Caucus (NGC) du Canadian Federation of Student (une association canadienne regroupant jusqu’à tout dernièrement la majorité des associations anglophones du Québec). Si PGSS (McGill cyc. Sup) a rejoint le CNCS, GSA Concordia n’a jamais été capable de se rapprocher de la FEUQ. Le GSA a souvent été courtisé par l’ASSÉ, mais les méthodes de l’organisation et l’absence de discours sur les cycles supérieurs a mis frein à une alliance (et cela même si le GSA partage plusieurs positions de l’ASSÉ).

ALIÉS (2e et 3e cycles de l'Université Laval) = 11 000 membres
REMDUS (UdS cyc. Sup) = 7 000 étudiants
GSA Concordia (Cyc. Sup) = 6 000 étudiants
Total = 24 000 étudiants

Il est important d’avoir une organisation qui représente le plus de cycles supérieurs possible. Si au premier cycle, les enjeux ont plutôt tendance à diviser les étudiants, aux cycles supérieurs les débats sont moins idéologiques. Laisser le malaise de certains groupes envers la FEUQ miner la cause des cycles supérieurs (CS) est quelque chose qu’on a trop longtemps accepté sans réagir.
Cette différence se manifeste surtout, sans s’y limiter, dans les dossiers du financement de la recherche et du droit d’auteur qui nécessitent un travail de concert avec le reste du Canada et une représentation à Ottawa. Tout cela demande des sommes très importantes. Les ressources du CNCS sont malheureusement insuffisantes pour couvrir les besoins en matière de lobbyisme et de recherche dont a vraiment besoin cette organisation (en fait, à titre de comparaison la FAECUM en 2008-2009 disposait de plus de ressources pour les cycles supérieurs que le CNCS). Développer de nouvelles sources de financement sera vitale à la survie du Conseil. Cet argent pourrait provenir de cotisations provenant de nouvelles affiliations.
Le manque d’engagement des cycles supérieurs (on parle ici des postes de permanent élus au national) est principalement dû (ironiquement) aux études… il est toujours difficile de convaincre quelqu’un de renoncer à ses études pour se consacrer au mouvement. Il est encore plus difficile quand il s’agit des plus brillants et qu’il s’agit de perdre une bourse du CRSH ou le financement d’un groupe de recherche. Les allocations de subsistance sont le plus souvent symbolique et peine à correspondre aux heures folles (surtout en campagne) de travail d’un élu. Une augmentation du financement du CNCS pourrait «pallier» en partie à ce problème, mais il doit être accompagné d'autres mesures pour susciter la participation des cycles supérieurs au mouvement étudiant.
De plus, les enjeux des cycles supérieurs touchent souvent des domaines qu’un élu et un attaché académique ne maîtrisent pas nécessairement. Il est alors nécessaire d’engager un chercheur spécialiste (contractuel) de la question. Hélas, les ressources financières nécessaires pour engager ces experts font souvent défaut. Peut-être dira-t-on qu’il faudrait peut-être mieux investir les ressources que nous avons déjà. C’est ce qu’il serait possible de faire en séparant le CNCS de la FEUQ, mais du même coup, il serait dommage de réduire notre capacité à défendre les étudiants de cycles supérieurs si nous avons le souhait d’élargir sa représentativité et de réunir sous la même bannière.       

Le syndicalo-réformisme vs. Militantisme ?

Longtemps ces deux méthodes de travail ont été mises en opposition, alors qu’elles sont complémentaires. Les enjeux des cycles supérieurs vont rarement soulever les foules. Ils sont souvent difficilement accessibles pour les étudiants peu politisés ou au premier cycle. Il est aussi beaucoup plus ardu de faire sortir 100 000 étudiants sur la question de la propriété intellectuelle ou du financement de la recherche. L’intérêt moins élevé pour l’implication (moyen/long terme) dans le mouvement étudiant de la part des cycles supérieurs (par exemple : pas de président du CNCS en 2011-2012, démission du recherche universitaire de la FAECUM, pas de candidats CS cette année, peu de postes de cycles supérieurs dans les autres associations générales) est encore là un obstacle à une approche strictement combative.
Si sur les grands enjeux qui touchent fondamentalement les étudiants le militantisme a fait ses preuves, sur ce qui enflamme moins les passions, le lobbyisme a accumulé au fil des années une feuille de route très impressionnante. Comment cela fonctionne ? Il s’agit de voter en assemblée les positions des étudiants, de produire du contenu (argumentaire, plateforme, mémoire, etc.) et ensuite de faire les représentations nécessaires auprès de ceux qui ont le pouvoir d’opérer les changements désirés (fonctionnaire, administration universitaire, député, ministre, commission parlementaire, etc.). Mon but ici n’est pas de faire l’apologie du lobbyisme, mais plutôt de démontrer que cette méthode est mieux adaptée aux besoins des cycles supérieurs. 
            Plusieurs trouvent les fédérations trop frileuses, mais elles n’ont jamais totalement exclu le militantisme, hélas, l’inverse n’est pas vrai. L’ASSÉ se refuse à tout lobbyisme ou pratique du genre. C’est ici que le bât blesse et il empêche cette organisation de représenter efficacement les cycles supérieurs. Étant déjà à la base une organisation plus générale  (en terme de population étudiante), il est difficile pour elle de concentrer ses efforts sur les cycles supérieurs ou de changer ses méthodes de travail. Elle n’en demeure pas moins pertinente. Une organisation comme l’ASSÉ a sa raison d’être, reste que je ne crois pas qu’il faille sacrifier les étudiants à la maîtrise et au doctorat.
             

Conclusion

Puisque l’ASSÉ a peu ou pas de discours sur la recherche et les CS;
Que les CS ont été les grands négligés de l’entente de 2005;
Que pour la majorité des CS leur avenir est lié à celui du financement des universités;

Il est temps que les CS se donnent les moyens d'agir afin de prendre leur place, en pleine reconnaissance et en toute équité lors du sommet sur l’éducation supérieur. Ces moyens doivent se traduire par la fin de la partisanerie et la création d'un regroupement d’étudiants aux CS et de jeunes chercheurs qui œuvrent à la défense et à l’amélioration des conditions socioéconomiques de la communauté universitaire.







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