En bref, qu'est-ce que la gratuité ?



Ce texte n'a pas pour but de s'opposer à la gratuité scolaire. En théorie, il est clair qu'en matière accessibilité aux études réduire les frais à zéro est un bon point de départ. Non, ce billet se veut surtout une occasion d'explorer cette question par l'intermédiaire des modèles existants. Au-delà des énoncés de principes et des citations de Chomsky ou de Lyotard, quels sont les obstacles que nous pouvons rencontrer sur le chemin de l'accès universel ?

En fait, on remarque 3 problématiques récurrentes dans les modèles de gratuité : 1) système d'aide financière plus axé sur les prêts; 2) développement d'universités privées qui préfèrent les programmes qui demandent peu d'investissement (Droit, sciences politiques, administration, etc.); 3) Instabilité du financement public.

La Suède a opté pour une gratuité accouplée à un système de remboursement proportionnel au revenu (RPR).L'État offre le 2/3 de son aide financière en prêt étudiant (conditionnel à la réussite). Malgré l'absence de frais de scolarité beaucoup d'étudiants atteignent les 12 000$ de dettes après un bac. Si cette déresponsabilisation en matière d'AFE n'est pas unique chez les partisans de la gratuité, il faut comprendre que ce n'est pas une situation particulièrement enviable. Loin d'être une catastrophe, ce modèle a au moins le mérite de faire mentir l'association trop facile RPR/hausse des frais/néo-libéralisme.

Le cas du Mexique est intéressant. C'est-à-dire limiter la gratuité aux universités publiques, restreindre le plus possible l'offre des MA et des PhD à celles-ci et libéraliser la formation professionnelle. Mais comme je l'ai déjà mentionné, les sciences humaines sont aussi un très bon coup pour le privé, car elles demandent peu d'investissement (Aupetit, 2004). Cela a eu pour conséquence d'élargir les subventions des établissements privés pour inclure des formations plus couteuses. Je sais que ce n'est pas ce modèle que prône nos amis de l'IRIS et de l'ASSÉ, mais considérant que les cégeps permettent déjà une «certaine hybridité», il est certain que la loi sur les universités ne pourra pas survivre sans clause dérogatoire.

L'instabilité du financement public est sans doute le plus grand cauchemar d'un recteur. En plus des décisions partisanes/politiques (crises économiques ou pire la CAQ au pouvoir), ce financement souffre de l'exode des étudiants vers les grandes écoles et les établissements privés. Alors, soit on laisse dépérir les universités comme en France et en Italie ou comme en Finlande où le financement de l'État a baissé à 60% et on laisse le privé prendre la place comme avec Nokia qui finance le réseau universitaire de Helsinki à hauteur de 6M$ par année (Dervin, 2008). Bien sûr, pour maintenir une part aussi importante l'État finnois a dû couper dans ses dépenses et regrouper des universités en région. Mais l'ASSÉ préfère se limiter à une seule source de revenus pour protéger la liberté académique des enseignants... et cela même si ça doit se faire au détriment de l'accessibilité et de la qualité d'enseignement.

Bien que cette revue fût courte, on constate que la gratuité n'est vraiment pas parfaite. Par contre, nous avons déjà quelques éléments de réflexions pour construire un meilleur projet d'accessibilité aux études postsecondaires. Au-delà des slogans et de la propagande, il faut maintenant penser à des politiques pour amoindrir ou effacer ces effets pervers. 

MAJ:
Tant qu'à toujours citer le Rapport Parent, il souligne qu'il est préférable :« que ce financement par le public se fasse par plusieurs voies et sous plusieurs formes différentes, ce qui offre plus de sécurité aux universités, dans le cas d'une diminution de l'une ou l'autre de ces sources.» (p.209).... d'où la recommandation 107 qui invite les diplômés et les sociétés industrielles et commerciales à participer davantage au financement des universités.  

Sources:
http://research.nokia.com/news/625dec

Guy Caron (2001), Des prêts aux étudiants remboursables selon le revenu: une perpesctive québécoise, Mémoire de maîtrise, UQAM.

Dervin, F. & M. Wiberg. 2008. Le système universitaire finlandais : une incessante bataille
entre méritocratie et représentation démocratique. Nordiques. No. 16. 9-27.

Salmon, E. 2008. Assessment of higher education personnel: comparative study of France
and Finland. Higher Education Management and Policy. Vol.20, No. 1, 1-22.

Sylvie Didou Aupetit (2004), Public et privé dans l'enseignement supérieur au Mexique,Cahiers de la recherche sur l'éducation et les savoirs. 

Regards sur l’éducation 2011 : Les indicateurs de l’OCDE, Indicateur B5 (www.oecd.org/edu/eag2011).

Maguain Denis. Les prêts contingents aux étudiants dans les pays de l'OCDE. In: Revue française d'économie. Volume 20 N°2, 2005. pp. 51-71

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