En réponse à Tout le monde… sauf les étudiants de Yves Boisvert


Bonjour M. Boisvert,

Votre analyse est intéressante (quoique bancale) et sur plusieurs points on serait tenté d’être d’accord avec vous (en fait uniquement sur la bêtise de ces compressions de dernière minute). Par contre avant de vouloir encore mettre le fardeau du sous-financement des universités sur les épaules des étudiants, il faudrait encore voir les raisons des déficits des universités.
Il faut tout d’abord comprendre qu’il y a une différence entre les budgets de fonctionnement et les budgets d’immobilisation. Plusieurs universités ont des déficits d’espace et des enveloppes du ministère sont allouées directement à l’achat ou la réfection d’immeuble. Les déficits budgétaires des universités sont principalement issus des budgets de  fonctionnement (pour l’enseignement et la recherche). On a beaucoup parlé des dérives immobilières, mais sans jamais comprendre quelles étaient les réelles sommes en jeu. C’est donc dans le budget de fonctionnement qu’on peut trouver la cause de ces déficits.
La première question qu’on pourra se poser, c’est qu’est-ce qui a le plus changé depuis la commission Parent (buzz word de gau-gauche) ? Les Effectifs étudiants en équivalence temps pleine (EETP). Nous sommes passés de 1997 à 2007 de 158 00 à 195 000 EETP -- aujourd’hui 205 000 (FQPPU, 2010). Pendant la même période, la subvention d’immobilisation du MELS a baissé de 20,7%. Si la loi empêche de faire passer de l’argent du fonds d’immobilisation au fonds de fonctionnement, l’inverse demeure possible. Cette ponction nécessaire pour suivre l’augmentation des effectifs a miné les sommes alloués aux cycles supérieurs, ce qui a eu pour effet de réduire le nombre de séminaires offert au deuxième et troisième cycle en plus de réduire le financement de la recherche (FQPPU, 2010). On comprend alors l’effet pervers que cela a eu. Plutôt que de simplement chercher à combler les déficits d’espace, les administrateurs devaient aussi aller chercher de nouveaux étudiants pour combler le trou financier dans les budgets de fonctionnement grâce aux subventions par EETP dédiées à l’enseignement. Ce fut le début d’une compétition malsaine entre les universités. En bref, si la loi empêche les sommes (comme les pertes) des fonds d’immobilisation d’être transférées vers celui de fonctionnement, la situation inverse est ce qui réduit les sommes pour l’enseignement et la recherche.
Ensuite, en y regardant de plus près on verra que la plus grande partie des dépenses d’une université se situe au niveau de la masse salariale. Le personnel enseignant a la plus grosse part avec 40% contre 8% pour la direction. On a beaucoup parlé des excès de certaines administrations et elles sont bien sûr inacceptables, mais on parle de petite monnaie. On peut retirer les Lexus, les chauffeurs, geler les salaires des cadres et réduire à la moyenne du réseau UQ les salaires des recteurs, on économisera peut-être un gros 6M$ (Indicateurs MELS, 2011, Rapport CREPUQ, 2009). On est loin de ce qui a causé un déficit cumulé de 483M$. Le problème réside peut-être davantage sur le fait qu’une bonne partie des déficits de fonctionnement des universités repose sur des hausses accordées aux salariés conventionnés plus importantes que l'indexation de la subvention dédiée et des revenus bruts. Le vice-recteur exécutif de l’Université Laval, Éric Beauce, parlait justement d’un «dé-financement» dans une lettre ouverte publiée au Le Soleil. Dans le meilleur des cas, on parle d’une indexation de la subvention de 1.9% contre 6 à 8% d’augmentation. Sur une augmentation de la masse salariale des professeurs de 50M$, l’État n’en donne 10M$.
Louis Dumont de l’Université de Montréal a déjà défendu le salaire de ses collègues dans les lignes du Devoir, alors que ceux-ci ont autant sinon plus de pouvoir d’achat que nos collègues canadiens (moy. 102 000$ au Québec, 108 000$, UdeM, moy réseau UQ 92 000$, 108 000$ moyenne canadienne avec un coût de la vie de 6 à 8% plus élevé source : indicateurs MELS, 2011). Il n’est pas question ici de remettre en questions ces salaires, mais on peut souligner que de réduire la progression de l’ensemble de la masse salariale des universités (par exemple à 3%) produirait plus d’économies que l’indexation des frais de scolarité la première année (30M$ contre 10M$).
             Bien sûr, ce n’est pas demain la veille que ces changements auront lieu. Les étudiants ont raison, il va falloir changer notre façon de voir l’université et eux les premiers. Oui, il y a eu mauvaise gestion, mais elle ne se résume pas à ce qui a fait les manchettes des médias, mais plutôt à vision à court terme de tous les acteurs du milieu de l’éducation supérieure. Faire sa part ? Les étudiants l’ont déjà faite cette part (particulièrement les cycles supérieurs). Peu importe qui est le suivant à la faire, il ne pourra pas y arriver seul. Cela prendra un effort coordonné qui va permettre de mieux contrôler les dépenses salariales et immobilières des universités. Une partie de la solution réside peut-être dans l’assurance-qualité où on pourra établir un plan directeur immobilier du développement universitaire québécois et resserrer les balises des budgets de fonctionnement, mais certainement pas dans l’endettement étudiant. 




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