Pour l'abolition des frais de scolarité: première partie

1625 $, ça ne passe pas? Qu’est-ce qui ne passe pas au juste? La hausse? Si on a polarisé le débat, on a aussi assisté à un dialogue de sourds depuis le budget Bachand. Malgré les piètres porte-paroles du MESRQ, on remarquera que si la discussion dure assez longtemps (et qu’on évite le point Godwin), même les durs à cuire du MESRQ adhèrent au principe d’accessibilité aux études postsecondaires (voir description du groupe). Malheureusement, certains croient à tort que le régime d’AFE a été bonifié pour contrer les effets de la hausse, mais comme ce n’est pas vraiment le cas, nous pouvons nous demander s’ils soutiennent toujours cette hausse?
Peut-être pas, mais on nous demandera si c’est juste de faire payer ceux qui ne vont pas à l’université? Oui, parce les diplômés profitent à toute la collectivité. Et on ne parle pas ici seulement des médecins et des ingénieurs. En matière d’innovation sociale, les retombées des activités en lettres et sciences humaines sont tout aussi importantes pour la société (ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation du Québec dans sa Politique québécoise de la science et de l'innovation). S’il est difficile de mettre un chiffre sur cette innovation, la présidente du FQRSC soutient que les avancées de la recherche en sciences sociales et humaines, en arts et lettres méritent autant que la découverte d’un gène de faire l’actualité :

Des bons coups comme des plans d’intervention efficaces en toxicomanie, des pratiques mobilisatrices pour réduire l’absentéisme au travail, des programmes novateurs pour donner le goût de la lecture aux tout petits en difficulté ou des personnages virtuels que l’on peut voir au grand écran» ( Dandurand,La revue du Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture, 2004).

En fait, le dissentiment sur les frais de scolarité ne tient pas la route. La juste part n’est pas dans combien l’étudiant va payer, car d’une façon ou d’une autre, à en croire la ministre, il va rendre à la société le coût de ses études par les impôts. La juste part est avant tout une question de temps, ou dit autrement, il s’agit de choisir le moment opportun pour faire sa juste part
Est-ce profitable pour l’État que l'étudiant fasse sa part pendant les études? Non, car :
1) 70% des étudiants travaillent pour payer leurs études et si l’abondante littérature sur le sujet ne vous a pas convaincu de son impact sur la performance à l’école, il n’en demeure pas moins que d’occuper un emploi demande du temps et ralentit la progression des étudiants (une moyenne de 13,5 crédits par session) (Le travail rémunéré et les études universitaires, FEUQ, 2011). Le coût réel d’une session étant beaucoup plus élevé que la hausse proposée, il n’est pas difficile de comprendre que l’étudiant qui complète ses études dans le temps prescrit est plus rentable que celui qui doit allonger celles-ci;
2) il entérine le principe utilisateur-payeur. Un système que même ceux qui l’entretiennent dénoncent parce qu’il ne tient pas compte de l’aversion du risque (Bernoulli, Specimen theoriae novae de mensura sortis, 1738) et de la réalité du marché. Si certains ne choisissent pas un programme en fonction de sa rentabilité (emploi), pour d’autre, il y tout de même une angoisse à payer pour des études supérieures à chaque session sans aucune garantie de qualité d’enseignement. On parle d’un investissement important de temps et d’argent qui place l’étudiant le plus souvent dans une situation financière précaire. D’où sans doute pourquoi 38,2% des étudiants interrogés considèrent l’argent comme la principale raison d’abandon des études (Sources et modes, 2011). En mettant le fardeau des frais de scolarité pendant les études, le gouvernement nuit à la diplomation et les 500 000$ que fait un étudiant universitaire disparaissent. Ici, il ne faut pas croire qu’on doive totalement faire disparaître l’aversion du risque en modelant nos universités sur les besoins des entreprises, nous devons au contraire, sans rejeter l’entreprise privée, assurer l’autonomie du réseau universitaire en mutualisant le risque par son déplacement vers un profit à long terme.
            À suivre…

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